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Thaïlande : Bangkok lutte contre la pollution avions

Face à un brouillard de pollution étouffant, Bangkok, la capitale de la Thaïlande, teste une approche aussi audacieuse qu’inhabituelle : l’utilisation d’avions pour pulvériser de l’eau glacée ou de la glace carbonique dans l’atmosphère. Si cette initiative semble sortir tout droit d’un film de science-fiction, elle soulève autant d’espoirs que de critiques.

Une solution pour un problème pressant

Chaque année, dès le mois de décembre, Bangkok est envahie par un nuage toxique causé par les émissions des véhicules, les activités industrielles et les pratiques agricoles comme le brûlis. Ce smog, qui atteint son pic lors de la saison sèche, affecte la santé des habitants et a déjà rendu plus d’un million de Thaïlandais malades depuis octobre 2023. Les conséquences économiques, elles, pourraient se chiffrer en milliards de dollars dans les années à venir.

Pour tenter de dissiper ce nuage toxique, les autorités thaïlandaises ont fait appel au service d’aviation royale de pluie artificielle, une unité dédiée à la modification climatique. Ce service, créé dans les années 1950 sous l’impulsion du roi Rama IX, était initialement conçu pour provoquer des pluies en période de sécheresse. Aujourd’hui, ses experts s’attaquent à un ennemi invisible mais omniprésent : les particules fines, notamment les PM2,5, particulièrement nocives pour la santé.

Comment ça fonctionne ?

Deux fois par jour, des avions survolent Bangkok à une altitude d’environ 1 500 mètres, pulvérisant de l’eau glacée ou de la glace carbonique (CO2 solide). L’objectif : refroidir la « couche d’inversion », une barrière naturelle qui empêche les polluants de s’échapper en altitude. Les scientifiques espèrent ainsi libérer les particules bloquées au sol et améliorer la qualité de l’air.

Lors d’une opération observée par des journalistes mi-janvier, un avion militaire Casa a transporté une tonne d’eau glacée dans de grandes citernes en plastique. Certains jours, ce sont des blocs de glace carbonique qui sont largués, un produit fourni par des entreprises locales comme le géant pétrolier PTT.

Une stratégie efficace ?

Si Chanti Detyothin, expert du service d’aviation royale, affirme que cette méthode permet de diminuer la concentration de PM2,5, il reconnaît qu’elle ne peut éliminer complètement la pollution. De nombreuses voix critiques, comme celle de Weenarin Lulitanonda, cofondatrice du réseau thaïlandais pour un air propre, considèrent cette approche comme une mesure cosmétique : « C’est comme ajouter de la coriandre sur un plat », ironise-t-elle, soulignant que les entreprises impliquées pourraient faire bien plus pour réduire leurs propres émissions.

Une ville à bout de souffle

Malgré ces efforts, la pollution reste un problème majeur à Bangkok. En janvier 2025, la capitale thaïlandaise figurait parmi les villes les plus polluées au monde, avec des niveaux de PM2,5 largement supérieurs aux seuils recommandés par l’Organisation mondiale de la santé. Les autorités ont bien tenté de réagir en limitant la circulation des véhicules polluants, en promouvant le télétravail ou en développant les bus électriques. Mais ces mesures peinent à avoir un impact immédiat.

Une réflexion nécessaire sur le long terme

Alors que les tests d’avions pulvérisant de la glace carbonique se poursuivent, la question de leur efficacité reste en suspens. Si cette stratégie reflète la volonté de la Thaïlande d’innover face à une crise écologique, elle ne peut remplacer des actions structurelles pour réduire les sources mêmes de pollution.

Bangkok, symbole des mégapoles débordées par leurs propres déchets et émissions, montre qu’il n’existe pas de solution miracle pour contrer un problème aussi complexe. La lutte contre la pollution de l’air, en Thaïlande comme ailleurs, nécessite des réformes profondes et une collaboration internationale pour espérer un jour respirer à pleins poumons.

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